Lettre ouverte aux organisateurs du Concert Solidarité Congo, Maître Gims, Youssoupha, Damso, Shay, Sista Beckey, Passy, Niska, Ninho, Dadju …
Le concert Solidarité Congo, prévu à l'Accor Arena le 22 avril, risque de n’être qu’un feu de paille si ses effets ne s’inscrivent pas dans la durée. Or, les experts s’accordent à dire que les deux Congo abritent les plus vastes tourbières tropicales du monde, un écosystème fragile que les scientifiques considèrent comme une véritable bombe climatique à retardement. L’enjeu est donc de lier la préservation de ces tourbières à la sécurité du Congo, un objectif au cœur du projet de Conférence Internationale de Paris, organisée dix ans après la COP21. Cette initiative vise à sensibiliser le grand public international à l’importance de cet écosystème naturel. En s'inscrivant dans la continuité de Solidarité Congo, la Conférence de Paris donnerait une portée durable au concert du 22 avril à l'Accor Arena, transformant ainsi un événement musical en un levier d’action pérenne pour la protection non seulement des tourbières du Congo mais du Congo dans son ensemble.
Philippe Assompi
4/4/20255 min read


Le conflit russo-ukrainien monopolise l'attention des décideurs politiques occidentaux, en particulier européens. Cette concentration excessive détourne la communauté internationale de la gestion d'autres crises mondiales.
Dans le courriel que j'ai adressé au Président de la République Démocratique du Congo, Son Excellence Monsieur Félix Tshisekedi, le 29 janvier dernier, courriel transmis avec diligence par l'Ambassade de la RDC en Belgique, que je remercie pour sa réactivité, j'ai souligné le rôle crucial des tourbières congolaises dans la lutte contre dérèglement climatique. Ces écosystèmes uniques représentent un levier puissant pour sensibiliser la communauté internationale à la crise humanitaire et sécuritaire qui ravage l'Est du Congo. Quelques clics sur Google suffisent à mesurer la portée de cet écosystème naturel dans le dispositif de lutte contre le dérèglement du climat.
Le bras de fer entre la partie rwandaise et les congolais de l’étranger concernant l’organisation du Concert Solidarité Congo à l’Accor Arena, malgré le report, a été à la une de l’actualité durant des semaines. C’est la preuve que la diaspora congolaise, comme je ne cesse de le souligner, est devenue une force influente sur la scène internationale. Cependant, il ne faut pas se relâcher. La stratégie expansionniste du Rwanda, en filigrane la convoitise des grands groupes industriels sur les minerais du Congo, est de long terme et doit être combattue avec persévérance.
C’est pourquoi, pour en revenir au mail que j’ai adressé à Monsieur le Président Félix Tshisekedi, le Congo ne pourra durablement gagner la bataille de l’opinion que si le grand public est mieux informé sur le rôle crucial des tourbières congolaises dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, il y’a un décalage entre les priorités des décideurs politiques et celles de l'opinion publique occidentale, qui est plus sensible aux enjeux climatiques.
Nul n’a envisagé de célébrer le dixième anniversaire de la COP de Paris. Or c'est à la COP21 que, pour la première fois, il a été statué sur l'importance des tourbières dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’opportunité est donc ouverte pour mettre en lumière la plus grande tourbière tropicale du monde. Une reconnaissance accrue du rôle crucial des tourbières congolaises dans la lutte contre le changement climatique renforcerait la dénonciation des intérêts prédateurs qui menacent leur préservation dans cette région d'Afrique.
L'immensité des tourbières du Congo, partagées entre la République Démocratique du Congo (deux tiers) et la République du Congo (un tiers), illustre l'interdépendance écologique et culturelle de ces deux nations. La proximité exceptionnelle de leurs capitales, Kinshasa et Brazzaville, favorise un dialogue permanent et des échanges intenses, transcendant les frontières politiques, la langue lingala étant un puissant vecteur d’unité.
À l’instar de l'Union européenne et du rapprochement franco-allemand, une alliance stratégique entre les deux Congo pourrait consolider leur position sur la scène internationale. Toutefois, pour qu’une telle vision prenne corps, l’adhésion de l’ensemble du peuple congolais est essentielle. Or, les congolais de l’intérieur, marginalisés par une corruption endémique qui gangrène l’appareil d’État des deux pays, se retrouvent exclus des rouages administratifs. La diaspora a donc un rôle clé à jouer dans cette mobilisation.
Si les deux Congo faisaient preuve d’unité et de solidarité, aucun pays d’Afrique centrale ne pourrait les menacer. Dès lors, face aux troubles qui secouent l’Est de la RDC, ne faudrait-il pas, avant d’accuser des forces extérieures, s’interroger sur les causes internes de cette crise ?
"Ennemi na yo," disait Koffi Olomidé, "kaka yo moko."
Le véritable fléau qui mine les deux Congo vient de l’intérieur. Ne nous trompons pas sur l’origine de nos souffrances : ayons le courage de regarder la réalité en face et de dire la vérité. C’est dans cet esprit que les organisateurs du Concert Solidarité Congo doivent soutenir le projet visant à organiser, en décembre 2025, la Conférence Internationale de Paris sur les tourbières du Congo.
Ce projet est déjà connu du Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur António Guterres, ainsi que des instances onusiennes concernées par les enjeux climatiques. Les chancelleries européennes, y compris celle du Premier ministre français, Monsieur François Bayrou, ont également été informées.
Grâce à la mobilisation des artistes franco-congolais et belgo-congolais du rap, figures d’influence majeures telles que Maître Gims, Youssoupha, Damso, Shay, Sista Becky, Passi, Niska, Ninho et Dadju, cette initiative ne manquera pas de gagner en envergure.
Je vous soumets cette lettre, en m’adressant aux députés belgo-congolais et franco-congolais que sont Pierre Kompany, Lydia Mutyebele, Nadège Abomangoli et Carlos Martens Bilongo. Pour un élu, le maintien d'un lien authentique avec sa base électorale doit être une démarche naturelle et constante. Cette exigence est d'autant plus cruciale pour un élu binational, qui a le devoir impératif de rester proche de ses électeurs. Parallèlement, il est essentiel qu'il cultive une relation équitable et inclusive avec l'ensemble de la diaspora, sans céder à la tentation d'une fréquentation sélective fondée sur le niveau de réussite de chacun.
La préservation des tourbières du Congo, façonnées naturellement au fil des millénaires, repose sur une transmission de génération en génération, dont le peuple est le principal garant. Quelle que soit la probité des gouvernants, il serait irresponsable, compte tenu de la brièveté de la vie humaine, de décider seul du destin d’un écosystème millénaire.
Il est attendu de la conférence de Paris qu'elle établisse un accord sur les compensations, les contreparties, les engagements financiers et techniques, dues par la communauté internationale pour la protection des tourbières du Congo. Dans cette perspective, la création d’un fonds onusien, placé sous la gestion de la société civile, apparaît comme une solution crédible pour contourner la corruption endémique qui fragilise les deux Congo.
Enfin, pour encourager l’initiative privée, il est essentiel de clarifier la répartition des responsabilités entre les États et l’engagement citoyen, afin de garantir une action efficace et durable.
L’éducation des congolais est la clé de la survie des tourbières. L’enjeu majeur réside dans la sensibilisation des populations locales afin d’en faire de véritables gardiens de cet écosystème unique.
Une prise de conscience accrue de l’opinion publique internationale sur l'importance des tourbières pourrait attirer davantage l’attention sur l’ensemble du Congo, les deux. Cela exercerait une pression croissante sur les acteurs impliqués dans la crise à l’Est de la RDC, y compris les puissances occultes et les intérêts financiers qui en tirent profit.
Philippe Assompi