Conférence pour les océans. Forum pour les forêts. Tous deux sous l’égide des Nations Unies. Et les tourbières, alors ?

Aux côtés des océans et des forêts, les tourbières constituent l’un des trois grands puits de carbone naturels de notre planète. Elles couvrent à peine 3 % des terres émergées mais stockent plus de carbone que toutes les forêts du monde réunies. Elles abritent également une biodiversité unique, régulent les cycles hydrologiques, et protègent contre les inondations et les incendies. Et pourtant …

Philippe Assompi

6/23/20253 min read

Aucune conférence, aucun forum, aucun agenda global pour les tourbières

Alors que les océans bénéficient d’une conférence annuelle (la Conférence des Nations Unies sur l’océan), et que les forêts sont au cœur d’un forum mondial, les tourbières, elles, restent marginalisées dans les grandes enceintes internationales. Aucune rencontre annuelle, aucun agenda global, aucun cadre de coordination spécifique ne leur est dédié sous l’égide des Nations Unies.

Circulez, il n’y a rien à voir. Les lobbies font la loi.

Le paradoxe du pompier pyromane

Les grandes puissances concentrent une part croissante de leurs ressources dans des solutions technologiques de capture et de stockage du carbone, coûteuses, complexes et encore incertaines à grande échelle. Or un mécanisme naturel, fiable et éprouvé depuis des millénaires est largement ignoré : les tourbières. Ces écosystèmes humides stockent du carbone en continu, de manière passive, silencieuse, et à un coût nul. Pourtant, au lieu de les préserver, nous continuons à les assécher, les exploiter ou les ignorer. Cette dégradation progressive, souvent invisible à l’œil nu, libère dans l’atmosphère des quantités massives de gaz à effet de serre.

On estime que les tourbières dégradées représentent à elles seules environ 5 % des émissions mondiales annuelles, soit davantage que l’aviation civile.

Cette contradiction illustre l’aveuglement d’une partie des politiques climatiques : investir dans l’innovation tout en négligeant les infrastructures naturelles déjà existantes. Le paradoxe est d’autant plus frappant que restaurer les tourbières coûte souvent bien moins cher, et agit plus vite, que n’importe quelle technologie émergente.

Le silence des tourbières, dix ans après, le test de crédibilité climatique de l’ONU

Bien que le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) travaille depuis plusieurs années à la conservation des tourbières, c’est lors de la COP21, que leur importance a été reconnue solennellement à l’échelle internationale dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Dix ans se sont écoulés depuis la signature des Accords de Paris, en décembre 2015. L’ONU doit saisir cette occasion pour dresser un bilan d’étape. C’est précisément l’objectif de l’Organisation pour la Protection, la Préservation et la Promotion de l’Écosystème des Tourbières du Bassin du Congo (OPTC-BC), qui propose d’organiser en décembre prochain, à Paris, une Conférence internationale consacrée aux plus grandes tourbières tropicales du monde : celles du Congo.

À ce jour, aucun événement n’a été prévu pour marquer cette date anniversaire, pourtant historique, qui avait su mobiliser la planète entière.

Face à l’urgence climatique, l’efficacité ne doit pas être mesurée à l’aune de l’influence de celui qui propose, mais à la qualité et à la pertinence du projet. Tel doit être le principe directeur de l’action onusienne.

Il est temps d’agir, et cette initiative offre aux Nations unies une opportunité concrète.

Malgré leur rôle crucial dans la régulation du climat, les tourbières, qui stockent plus de carbone que toutes les forêts du monde réunies, restent largement absentes de l’agenda climatique international, contrairement aux océans et aux forêts qui bénéficient de conférences et forums sous l’égide de l’ONU.

Alors que des milliards sont investis dans des technologies de capture du carbone, les tourbières, solution naturelle, efficace et peu coûteuse, continuent d’être négligées, voire dégradées, contribuant à 5 % des émissions mondiales annuelles.

Dix ans après la COP21, l’Organisation pour la Protection des Tourbières du Bassin du Congo (OPTC-BC) propose une Conférence internationale à Paris pour remettre ces écosystèmes au cœur de l’action climatique. L’ONU doit saisir cette opportunité pour réaffirmer sa crédibilité et faire des tourbières un pilier de ses priorités environnementales.

Philippe Assompi

Président de l’OPTC-BC