La gouvernance climato-mondiale : le cas des tourbières du Congo
Au cœur du bassin du Congo s’étend l’un des plus vastes complexes de tourbières tropicales de la planète, couvrant environ 145 000 km² et stockant près de 30 milliards de tonnes de carbone. Véritables « poumons » du continent africain, ces tourbières jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial. Pourtant, leur préservation se heurte à de multiples défis : pressions économiques, instabilité politique et faiblesse de la gouvernance environnementale.
Philippe Assompi
10/23/20253 min read


Dans un contexte où la gouvernance climato-mondiale cherche à promouvoir la coopération et la transparence, le cas des tourbières du bassin du Congo illustre les tensions persistantes entre enjeux globaux et réalités locales.
Les tourbières du Congo dans la gouvernance climatique mondiale
Depuis leur cartographie en 2017, les tourbières du Congo ont acquis une visibilité internationale. Elles sont désormais au centre des débats sur la lutte contre le changement climatique.
Les mécanismes tels que REDD+ (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) et les financements climat visent à récompenser les pays qui préservent leurs écosystèmes forestiers.
Cependant, la mise en œuvre de ces programmes exige des structures de gouvernance robustes, une gestion rigoureuse des fonds et une participation active des populations locales, des conditions encore fragiles dans la région.
Les défis de gouvernance : corruption et captation des ressources
Selon Transparency International, la République du Congo et la République démocratique du Congo figurent parmi les pays les plus touchés par la corruption systémique.
Ce constat se traduit par une opacité persistante dans la gestion des ressources naturelles, des détournements de fonds destinés à la conservation, et un manque de redevabilité des institutions publiques.
Cette situation crée un décalage profond entre les engagements climatiques affichés sur la scène internationale et leur application concrète.
Les programmes environnementaux, souvent financés par des bailleurs internationaux, risquent d’être captés par des élites politico-économiques, reproduisant les logiques de rente plutôt que de développement durable.
Un paradoxe : richesse écologique, pauvreté institutionnelle
Les tourbières du Congo symbolisent un paradoxe structurel : une immense richesse écologique face à une grande fragilité institutionnelle.
Elles fournissent au monde un service environnemental vital, le stockage de carbone, sans que les populations locales n’en tirent de bénéfices significatifs.
L’absence de transparence dans les contrats forestiers, le manque de redistribution des revenus issus des marchés du carbone, et l’insuffisante implication des communautés renforcent ce déséquilibre.
Ce paradoxe met en question la crédibilité de la gouvernance climato-mondiale : comment préserver efficacement un bien commun planétaire lorsque les cadres nationaux restent minés par la corruption et la faiblesse institutionnelle ?
Une alternative : vers un mécanisme de gestion indépendante et citoyenne
Pour contourner la corruption endémique qui mine la gouvernance environnementale dans les deux Congo, l’Organisation pour la Protection, la Préservation et la Promotion de l’Écosystème des Tourbières du Bassin du Congo (OPET-BC) propose la création d’un fonds onusien indépendant, placé sous la supervision du PNUE ou du PNUD, mais géré par la société civile congolaise.
Ce mécanisme permettrait :
· d’assurer une gestion transparente et traçable des financements liés aux tourbières ;
· de financer l’éducation environnementale, la recherche et les initiatives locales ;
· et de donner aux citoyens congolais un rôle central de veille et de contrôle.
Lier la conservation des tourbières à l’éducation et à l’autonomisation des populations constitue la meilleure garantie d’une préservation durable.
En formant les jeunes générations à comprendre la valeur écologique, économique et symbolique de ces zones humides, on ancre la protection du climat dans une dynamique nationale et citoyenne.
Perspectives et pistes de réforme
L’avenir des tourbières du Congo dépendra de la capacité des acteurs locaux et internationaux à articuler intégrité institutionnelle, transparence financière et justice environnementale.
Des pistes concrètes incluent :
1 Le renforcement de la traçabilité des flux financiers liés à la conservation.
2 La participation effective des communautés locales dans la gouvernance des projets.
3 La conditionnalité des aides internationales à des critères de bonne gouvernance.
4 Le développement d’une coopération régionale entre les deux Congo pour harmoniser les cadres juridiques et lutter contre les pratiques illicites.
Les tourbières du Congo constituent à la fois un patrimoine écologique mondial et un test politique majeur pour la gouvernance climatique.
Leur préservation ne dépend pas seulement des engagements pris lors des COP, mais surtout de la capacité des institutions locales à restaurer la confiance, la transparence et la participation citoyenne.
La proposition d’un fonds onusien géré par la société civile incarne une voie possible vers une gouvernance plus juste, indépendante et durable.
Car protéger les tourbières, c’est aussi éduquer, responsabiliser et autonomiser les peuples qui en sont les gardiens naturels, condition indispensable à toute politique climatique crédible.
Philippe Assompi
Président de l'OPET-BC


