Climat, réchauffement de la planète, colonisation et le double jeu de la France

L’engagement de la France dans le conflit russo-ukrainien, motivé par la perception d’une menace pour la sécurité européenne, s’accompagne d’une diplomatie particulièrement active. Pourtant, ce même engagement contraste fortement avec le silence observé sur un enjeu climatique majeur : la gestion incertaine des 30 milliards de tonnes de carbone stockées dans les tourbières du Congo. Or, chaque tonne de carbone relâchée dans l’atmosphère contribue durablement au réchauffement climatique, mettant en péril les équilibres planétaires et menaçant irrémédiablement l’avenir de nos enfants et des générations à venir.

Philippe ASSOMPI

7/18/20255 min read

Le paradoxe du pompier pyromane

Le contraste est criant entre d’un côté, l’Agence Française de Développement (AFD), bras financier de la France à l’international, qui soutient un projet contesté dans les forêts du bassin du Congo, potentiellement nuisible aux tourbières, ces écosystèmes riches en carbone et de l’autre, le Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), pilier de la recherche scientifique française, qui alerte sur le rôle crucial de ces tourbières comme point de bascule du climat, soulignant le risque majeur que leur dégradation ferait peser sur le réchauffement global.

Ainsi, la France semble financer une initiative contraire à ses propres avertissements scientifiques, révélant une incohérence profonde entre sa diplomatie climatique et ses actes sur le terrain.

Une diplomatie climatique ambiguë

Quand on dénonce bruyamment le climato-scepticisme de Donald Trump tout en menant, en coulisses, un lobbying actif à l’ONU pour défendre des intérêts économiques au détriment de la planète, on tombe dans une contradiction profonde. Cette duplicité nuit à la crédibilité de la parole publique et trahit la confiance des citoyens. Le peuple français, comme tant d'autres, attend une politique climatique cohérente, ambitieuse et honnête, pas une posture de façade. Ce double discours révèle une stratégie plus politique qu’environnementale, où l’image prime sur l’action réelle. Or, face à l’urgence climatique, les calculs diplomatiques ne peuvent plus prévaloir sur les impératifs scientifiques. Une diplomatie climatique sincère suppose de rompre avec les pratiques néocoloniales, de respecter les accords, et de placer la justice climatique au cœur des priorités.

Satellites en alerte, dirigeants en sommeil

Lorsqu’on dispose de satellites capables de scruter chaque parcelle de la planète en temps réel, prétendre qu’on ne sait pas ce qui se passe dans le bassin forestier du Congo relève soit de l’hypocrisie, soit d’un cynisme assumé. Car cette région, poumon vert de l’Afrique et puits de carbone majeur pour l’humanité, ne disparaît pas dans l’ombre par hasard. Ceux qui affirment ne rien voir ferment volontairement les yeux. Les données existent, les images sont disponibles, les alertes sont lancées, ce qui manque, ce n’est pas l’information, mais la volonté politique de la traiter avec sérieux. Faire semblant d’ignorer la déforestation, les trafics ou l’exploitation illégale, c’est couvrir des intérêts économiques au détriment du climat et des peuples autochtones. Ce silence organisé est une forme moderne de complicité.

Le double jeu de TotalEnergies au Congo : l’échec d’un projet vert sous contrôle français

Présenté comme un exemple d’engagement climatique, le projet de reboisement de TotalEnergies au Congo s’est révélé être un écran de fumée. Derrière les promesses de compensation carbone, l’initiative a suscité critiques scientifiques et protestations locales, avant d’être discrètement abandonnée. Ce retrait silencieux illustre le cynisme d’une stratégie plus communicationnelle qu’écologique, menée avec l’aval implicite de la diplomatie française, dans une région encore largement sous son influence historique. Un symbole du décalage entre discours vert et réalités de terrain.

Faire écran à l’inaction : éveiller, raconter, agir

Pour réveiller l’imaginaire collectif et faire naître une conscience claire du rôle vital des puits de carbone, j’en appelle aux artisans de l’image : réalisateurs, scénaristes, producteurs, techniciens. Donnez à voir la respiration lente de la planète qui s’alourdit en carbone ; racontez, par l’image, la chaîne invisible mais implacable qui relie les tourbières asséchées aux canicules, aux récoltes perdues, aux villes submergées. Mettez votre talent au service de la vérité climatique. La France des peuples doit se réveiller et parfois, la lumière d’un film vaut mille discours.

Célébration du 10ème anniversaire de la COP de Paris ou l’instant de vérité

Les tourbières du Congo n'ont du Congo que le nom : l’enjeu est planétaire. En effet, les quelque 30 milliards de tonnes de carbone qu'elles renferment constituent une véritable bombe à retardement, selon les scientifiques. Si ces puits de carbone venaient à se dégrader ou à s’assécher, le CO₂ libéré pourrait entraîner un effet domino sur le climat mondial, accélérant de manière irréversible le réchauffement de la planète. C’est lors de la COP de Paris que la question des tourbières fut abordée à l’échelle internationale de manière pertinente. C’est pourquoi à l’occasion du 10ème anniversaire de cet événement en Décembre 2025, l’Organisation pour la Protection, la Préservation et la Promotion de l’Écosystème des Tourbières du Bassin du Congo (l’OPET-BC), une association loi 1901, projette d’organiser à Paris la conférence internationale sur les tourbières du Congo sous la bannière onusienne. Ce projet est connu du Secrétaire général de l’ONU, du Premier Ministre, Monsieur François Bayrou et du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Monsieur Jean-Noël Barrot.

Responsabilité climatique : l’heure de vérité pour l’AFD, TotalEnergies et ENI

Dans cette perspective, l’Organisation pour la Protection, la Préservation et la Promotion de l’Écosystème des Tourbières du Bassin du Congo (OPET-BC) sollicite le soutien financier de l’Agence Française de Développement (AFD), de TotalEnergies et du groupe italien ENI pour organiser cette conférence décisive. Leur implication, au-delà d’un simple mécénat, serait l’occasion d’un devoir de transparence quant à leurs actions passées et présentes dans la région du bassin du Congo. Ce rendez-vous international serait ainsi non seulement un forum scientifique et diplomatique, mais aussi un moment de clarification publique sur les intentions réelles de ces acteurs économiques, souvent accusés d’ambiguïté, voire de duplicité, dans leurs engagements environnementaux. Contribuer à cet événement, c’est prendre part à une démarche de réparation, de vérité et de responsabilité partagée face à l’urgence climatique mondiale.

La France ne peut plus prétendre incarner un leadership climatique tout en fermant les yeux sur ce qui se joue au cœur du bassin du Congo. L’enjeu n’est plus seulement moral ou géopolitique: il est vital. La célébration du 10 anniversaire de la COP de Paris doit marquer un tournant, un moment de vérité où les discours laissent place à des engagements concrets, cohérents et audités. Ce rendez-vous sera l’occasion pour les institutions publiques et les grandes entreprises engagées dans la région de prouver que leur présence ne rime pas avec extraction ou instrumentalisation, mais avec responsabilité, transparence et réparation. Car protéger les tourbières du Congo, c’est protéger le climat mondial. Et face à cette urgence, seule une alliance entre États, science, peuples autochtones, société civile et acteurs économiques sincères pourra encore faire la différence. L’heure n’est plus aux demi-mesures. Elle est à l’action, à la justice et à la cohérence.

Philippe Assompi

Président de l’OPET-BC